Baisse des quotas civelles pour la saison 2020-2021

Le quota global de capture de civelles est fixé à 57,5 tonnes pour les pêcheurs maritimes et fluviaux, en prenant en compte le sous-quota destiné au « repeuplement », soit une réduction de 11,5% par rapport à la saison précédente.

Proposition du Conseil Scientifique

Chaque année, un comité scientifique (INRAE, MNHN, OFB) est mandaté par les ministères en charge de la pêche de l’anguille pour estimer :

  • la réduction du taux d’exploitation obtenue pendant la saison 2019-2020 par rapport à une période de référence (2004-2008),
  • la quantité de civelles susceptible d’être prélevée dans le milieu naturel (Totaux Autorisés de Capture, ou TAC) de manière à atteindre l’objectif de 60 % pour la saison 2020-2021, avec une probabilité de 25%, 50% et 75%.

Les experts du comité scientifique rappellent que dans ce cadre ils répondent à la demande de mise en application des TAC sans que cela ne valide ou n’infirme scientifiquement le choix de cette mesure pour la viabilité de l’espèce.

A partir de la chronologie de l’indice de « recrutement » de civelles européen et des déclarations de capture au SNPE, le comité modélise l’évolution et la variabilité du taux d’exploitation pour estimer un TAC national pour la saison à venir.

Deux modèles sont examinés pour décrire la tendance de recrutement et estimer une fourchette de prédiction du recrutement à venir :

  • un modèle à 1 tendance exponentielle décroissante (observé sur l’ensemble de la série chronologique depuis 1980)
  • un modèle avec une nouvelle tendance à partir de 2012, utilisé pour décrire l’augmentation de recrutement observé en 2013

Cette augmentation du recrutement en civelles qui avait motivé l’augmentation des quotas de capture pendant les années suivantes, ne s’est malheureusement pas poursuivie après 2015. Le premier modèle apparaît plus pessimiste que le second, mais les deux décrivent désormais une tendance à la baisse depuis la saison 2017-2018.

L’augmentation des quotas depuis 2014 a été plus rapide que l’augmentation des recrutements, ce qui a amené une augmentation du taux d’exploitation :

« Après une diminution enregistrée depuis la mise en place des quotas en 2009-2010, le taux d’exploitation pour la saison 2018-2019 dépasse la cible de gestion pour la cinquième saison consécutive »

Rapport 2020 du comité scientifique

Évolution de l’indice du taux d’exploitation entre 1980 et 2019 (en base 100 sur la période entre les saisons 2003-2004 et 2007-2008 ; en bleu les valeurs de la période de référence), cibles de gestion (en rouge) et quotas (en vert) retranscrits en taux d’exploitation

En raison de la demande limitée du marché de civelles de « repeuplement », les quotas fixés chaque année ne sont pas consommés. Sur les cinq dernières années, les quotas adoptés auraient conduit à un dépassement de la cible de gestion s’ils avaient été consommés.

Depuis 2015, un quota autour de 30 à 40 t aurait permis d’être proche de l’objectif de gestion, alors que le quota adopté est de l’ordre de 60 à 70 t.

Le Tableau ci-dessous présente la quantité de civelles susceptible d’être prélevée pour atteindre les objectifs de gestion en 2020-2021 avec une probabilité de 25 %, 50 % et 75 % pour les modèles de recrutement à 1 et 2 tendances :

Modèle Probabilité d’atteindre l’objectif :
25% 50% 75%
1 tendance 29,7 t – QNU 21,8 t – QNU 16,0 t – 23,0 t
2 tendances 56,0 t – QNU 41,9 t – QNU 30,7 t – 43,9 t
Valeurs des TAC (en t) pour des niveaux de probabilité d’atteinte de l’objectif de 25, 50 % et 75 % pour la saison 2020-2021

Par exemple, si l’on souhaite atteindre avec une probabilité de 50 % l’objectif de gestion pour la saison 2020-2021 (réduction de la mortalité de 60%), nos estimations situent le TAC national entre 21,8 t (modèle à 1 tendance) et un quota non utile (QNU) qui correspond à l’hypothèse que la diminution du nombre de pêcheurs (-56%) est suffisante pour atteindre l’objectif.

Quotas fixés pour la saison 2020-2021

Pour la saison de pêche 2020-2021, le ministre chargé des pêches maritimes et le ministre chargé de la pêche en eau douce envisagent de fixer le quota de pêche d’anguilles de moins de 12 cm destinées à la consommation à 23 tonnes ; soit un quota global de 57,5 tonnes. Cela correspond à une réduction du quota de la campagne 2019-2020. Cette baisse prend en compte les préconisations du comité scientifique qui constate depuis la campagne 2014-2015 la hausse du taux d’exploitation qui n’a cessé de dépasser l’objectif de gestion de 40% (+17 entre les campagne 2017-2018 et 2018-2019, soit 67%). Les efforts consentis par les professionnels doivent se poursuivre en se traduisant par une baisse du quota global de 11,5%. Cette baisse est conforme aux recommandations du Comité scientifique.

Source : agriculture.gouv.fr

Ce quota correspond à la « fourchette haute » de de la proposition de TAC du comité scientifique, soit une probabilité inférieure à 25% d’atteindre les objectifs de gestion, si l’on ne tient pas compte de la diminution de l’effectif des pêcheurs.

Sur les 57,5 tonnes capturables, la répartition par destination reste la même :

  • 40% (23 tonnes) peuvent être vendues pour la consommation humaine (au sein de l’UE)
  • 60% (34,5 tonnes) sont réservées aux transferts vers les bassins versants (opérations de « repeuplement »).

Ces quotas sont répartis entre les catégories de pêcheurs (87 % pour les marins-pêcheurs et 13% pour les pêcheurs professionnels en eau douce) et par UGA, de manière identique aux années précédentes.

Pour l’UGA Loire, le quota retenu

Résultat de la consultation publique

Les projets d’arrêtés définissant les quantités capturables étaient soumis à consultation publique du 18 septembre au 9 octobre 2020, sur le site du Minist-re de l’Agriculture et de l’Alimentation (pour les pêcheurs maritimes) et sur le site du Ministère de la transition écologique et solidaire (pour les pêcheurs fluviaux).

  • 86 avis ont été émis sur le site du MAA pour le quota maritime, dont 1 favorable et 85 défavorables, dont :
    • 2 provenant de la filière pêche + 72 émis par des pêcheurs professionnels demandant un maintien du quota de la saison précédente (65t)
    • 4 provenant des représentants de la pêche de loisirs et 2 avis particuliers demandant un quota plus restrictif ou nul
  • Le résultat de la consultation pour le quota fluvial n’a pas été encore publié,

Ces avis sont repris dans la synthèse de la participation du public :

Les organisations représentantes des pêcheurs professionnels (Comités régionaux de pêche) déplorent que le quota précédent de 65 tonnes ne soit par reconduit, pour prendre en compte les observations de la profession, notamment la baisse de l’effectif de pêcheurs, et l’impact de la crise COVID-19 sur l’activité de pêche. Ils demandaient en outre l’ouverture du marché d’exportation hors UE, fermé par le classement de l’anguille dans la convention de Washington sur le commerce des espèces menacées (CITES).

Des avis particuliers émis par des pêcheurs professionnels contestent également le rapport du comité scientifique et rejoignent l’avis des organisations professionnelles.

Les organisations représentantes de la pêche de loisir (FNPF et UFBLB) considèrent au contraire qu’une approche précautionneuse aurait au moins dû amener à fixer un quota de 16 tonnes, soit la fourchette basse proposée par les scientifiques pour espérer atteindre les objectifs du plan national de gestion de l’anguille (PGA) avec une probabilité d’au moins 75%. Certaines (ANPER et ARFPPMA PACA) soulignent que l’espèce est classée « en danger critique d’extinction » sur la liste de l’UICN, ce qui justifierait une interdiction de pêche et de commercialisation pour la campagne 2020-2021.

L’enquête publique conclut que l’une et l’autre positions (maintien du quota ou baisse plus précautionneuse) ne peuvent être retenues pour modifier la proposition d’arrêté :

  • La « fourchette haute » de la proposition scientifique a été retenue pour limiter l’impact de la pêche tout en préservant l’activité économique de la filière.
  • La France ne peut s’éloigner davantage des objectifs de gestion fixés par le Plan de gestion national en maintenant un quota élevé.
  • L’ouverture d’un export hors UE serait contraire aux engagements internationaux de la France vis-à-vis de la CITES.

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