Ce rapport est le fruit du groupe de travail « DEVALPOMI » démarré en 2013 à l’initiative du Tableau de Bord SALT, et dont les membres sont les auteurs du rapport : Cédric Briand (IAV), Marion Legrand (LOGRAMI), Pierre-Marie Chapon (ONEMA-INRA), Laurent Beaulaton (ONEAM-INRA), Gaëlle Germis (BGM), Marie-Andrée Arago (ONEMA), Timothée Besse (LOGRAMI), Laura De Canet (LOGRAMI) et Pierre Steinbach (ONEMA)
Résumé du rapport
L’effet des barrages sur la mortalité en dévalaison est simulé à l’aide de modèles de répartition et de mortalité dans les ouvrages hydroélectriques à l’échelle de Loire-Bretagne (155 000 Km2).
Les productions de smolts sont évaluées par la modélisation des surfaces d’équivalent radiers rapides, à 2 055 ha sur la Loire et 1 131 ha en Bretagne. Ces surfaces ne représentent que 24% et 39% des surfaces productives accessibles dans les conditions historiques. Deux modèles séparés pour la Loire et la Bretagne donnent ensuite les productivités des habitats de juvéniles de saumons. Le croisement des modèles de productivité et des surfaces d’habitat permet d’obtenir une modélisation des productions de smolts à l’échelle de chaque tronçon hydrographique. Les productions de smolts des deux zones sont équivalentes à 100 000 smolts par an, du fait d’une productivité plus faible de la Loire.
Un travail similaire est effectué pour simuler les productions d’anguilles dans les conditions actuelles et dans les conditions sans ouvrage à l’aide du modèle EDA. Les productions actuelles d’anguilles sont évaluées à 306 700, 314 900 et 124 400 anguilles argentées pour les côtiers Bretons, la Loire et les côtiers Vendéens respectivement.
Les calculs de mortalité sont appliqués à 387 des 749 ouvrages de la zone, initialement recensés comme ayant un usage énergie et hydroélectricité. Les mortalités sont d’abord calculées au niveau de chaque turbine pour 578 turbines, dont 136 et 155 identifiées comme Kaplan et Francis respectivement. Ce calcul est basé soit sur les caractéristiques de la turbine (diamètre, vitesse de rotation, hauteur de chute…), soit par extrapolation à partir des mortalités moyennes des turbines de même type, soit enfin lorsque l’information est manquante (cas de 261 turbines) à partir de la moyenne des mortalités des turbines du bassin. Ces turbines sont pour l’essentiel situées sur le haut du bassin de la Loire, où l’enjeu est moins fort. Pour les ouvrages équipés de grilles fines (<2,5cm), les turbines ichtyocompatibles et les turbines qui ne sont plus en fonctionnement, on applique une mortalité nulle. Pour les turbines de type Pelton, la mortalité appliquée est de 100%.
Chez les smolts, les taux moyens de mortalité dans les turbines s’établissent à 17% dans les Kaplan, 20% dans les Francis et une mortalité moyenne de 20% est appliquée aux autres turbines (43%) pour lesquelles les mortalités ne peuvent pas être calculées à partir des caractéristiques des turbines. Chez les anguilles, les calculs prennent en compte la structure en taille des anguilles dévalantes. Les mortalités moyennes dans les turbines s’établissent à 45,8%, 88,5% et 70,8% dans les turbines Kaplan, Francis et indéterminées respectivement, soit 36% des cas où le recueil des caractéristiques techniques est suffisant pour permettre un calcul à partir des formules de mortalité.
Les mortalités dans les ouvrages sont ensuite établies à partir des débits nominaux des turbines et de la part de débit s’échappant au niveau des déversoirs de décharge de l’ouvrage. Ce modèle prend en compte pour chaque espèce des scénarios de dévalaison pour 5 classes de débits, calculés à partir de 31 stations hydrologiques de référence, et transposés au niveau de chaque ouvrage. La part des poissons transitant par les différentes turbines de chaque ouvrage est calculée à partir des données de débit d’équipement. Un chainage est ensuite réalisé pour calculer la mortalité cumulée dans les ouvrages se situant sur le parcours de dévalaison des poissons partant de n’importe quel point du réseau.
Les moyennes des taux de mortalité par segments hydrographiques sont calculées à 27,1, 1,7 chez les smolts en Loire et en Bretagne, et à 3,1, 3,3 et 2,2 chez l’anguille en Loire, Bretagne et Vendée respectivement. Le croisement des données de mortalité et de production pour chaque espèce donne les niveaux de mortalité pour différents scénarios.
- Pour les saumons, les mortalités sont évaluées à N=26 872 (soit 27%) de la production de smolts en Loire, et N=1 636 (soit 2%) en Bretagne.
- Pour l’anguille, les mortalités sont évaluées à N=9 831 (soit 3,1%) de la production d’anguilles argentées en Loire, N=9 418 (soit 3,3%) en Bretagne et N=2 687 (soit 2,2%) en Vendée.
Une simulation des effectifs présents si le libre franchissement à la montée des poissons migrateurs était rétablie est également effectuée. Dans ce scénario, les mortalités s’établissent à 41,8% (Loire) et 4,0% (Bretagne) chez les smolts et à 10,1% (Loire) et 4,0% (Bretagne) et 2,7% (Vendée) chez les anguilles argentées.
Les résultats obtenus en terme de production et de mortalité sont discutés, en prenant en compte les atouts et faiblesses des modèles utilisés, les possibles biais et d’échantillonnage et de complétude des données, et les perspectives d’amélioration du modèle. Il apparait notamment que le modèle est plus sensible à la position géographique des individus dévalants qu’aux mortalités estimées dans les turbines. En l’état les résultats sont jugés comme suffisamment robustes pour permettre une priorisation des actions au niveau du bassin Loire Bretagne, et donner une première estimation du niveau de mortalité subi par l’anguille et le saumon à l’échelle du territoire Loire-Bretagne.