Une étude sur la migration de reproduction des lamproies marines sur la Loire a été lancée le MNHN en 2020, en partenariat avec les pêcheurs professionnels du bassin Loire (AAPPED44 et AAPPBLB), le bureau d’études Fish-Pass, EDF et l’Université de Tours. Elle est financée par les fonds européens FEDER et l’Agence de l’eau dans le cadre du plan Loire Grandeur Nature.
Crédits photo : Fish-Pass
Dans le bassin de la Loire comme dans les autres bassins français, l’effectif de géniteurs de lamproies franchissant les stations de comptage vers les frayères amont est en forte baisse (Lire Paroles de Migrateurs n°19).
Mais les inconnues sont nombreuses : Combien de géniteurs arrivent à l’estuaire ? Quelle est la part capturée par les filets des pêcheurs estuariens et les nasses à lamproies en Loire aval ? Quelle prédation par le silure ? Combien choisissent la Loire ou la Vienne à la recherche des zones de frayères ? Pourquoi si peu de lamproies atteignent les zones de frayères à l’amont des stations de comptage ?
Le marquage RFID correspond au premier volet de cette étude, qui a pour objectif d’estimer le nombre total de géniteurs migrants depuis l’estuaire de la Loire, la part capturée par les engins de pêche professionnelle et de loisir et leur progression jusqu’aux stations de comptage. Le second volet de l’étude porte sur l’identification par télémétrie acoustique des pertes de géniteurs et de l’impact des barrages sur l’axe de migration. Les résultats du premier volet ont été synthétisés en septembre 2020 par le bureau d’études Fish-Pass. Les lamproies marines marquées avec un dispositif télémétrique passif (PIT-tag) sont relâchées sur la partie aval du bassin de la Loire. Les pêcheurs en activité plus en amont capturant des lamproies peuvent alors identifier celles qui ont été marquées. La méthode de capture-marquage-recapture permet de comparer cet effectif à l’ensemble des captures de la saison, afin d’estimer le flux total de lamproies.
Une année particulière…
La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a eu un impact important sur la mise en oeuvre de l’étude et ses résultats. En effet, la pêche estuarienne aux filets n’a pas pu commencer à cause du premier confinement de mars 2020. Les résultats ne concernent donc que la pêcherie à la nasse en amont de Nantes, qui ne représente que 34% des captures de lamproies sur le bassin (déclarées entre 2009-2018, source : SNPE) et ce avant l’arrêt de la pêcherie le 17 mars (36,5% des captures aux nasses sont réalisées après cette date).
L’analyse des conditions hydrologiques montre un début de saison favorable au déclenchement de la migration des géniteurs, avec trois coups d’eau (2ème quinzaine de décembre, début février et 1ère quinzaine de mars). Cependant au mois d’avril, au coeur de la migration, le déficit hydrologique est important par rapport aux références historiques.
Les témoignages des pêcheurs et la biométrie réalisée sur les lamproies capturées ont montré qu’elles étaient particulièrement grosses cette année. Ils évoquent la possibilité qu’une partie soit issues de la cohorte 2019 qui n’avait pas migré vers l’amont, faute de conditions favorables, mais cette hypothèse n’a pas pu être vérifiée faute de moyen fiable d’estimer leur âge.
1 géniteur de lamproies sur 5 est recapturé par nasse
412 lamproies ont été relâchées en amont de Nantes et 87 d’entre-elles ont été recapturées en amont de ce point par les nasses des pêcheurs professionnels (Fig. 2). Elles avaient parcouru entre 4 et 53 km, avec une vitesse moyenne de 4 km/j.
Au total, 22,6 tonnes de lamproies marines ont été capturées dans la Loire en 2020 (janvier à mai), soit un effectif capturé autour de 16,6 milliers de lamproies. Le taux d’exploitation global estimé est de 21% pour cette pêcherie en 2020, compte-tenu de l’arrêt de la pêche 6 jours après le dernier marquage, suite au premier confinement.
Ces données permettent d’estimer un effectif total de 60 à 86 milliers de lamproies migrantes entre le 6 février et le 15 mars 2020.
En comparaison, 34 478 lamproies ont été comptabilisées aux stations de vidéocomptage du bassin de la Vienne pendant l’ensemble de la saison de migration, (29 janvier au 30 mai).
Estimation des pertes en ligne entre la confluence Vienne-Loire et les stations de comptage
Afin d’estimer la part de lamproies marines franchissant les passes suivies par LOGRAMI sur le bassin Vienne, les 96 lamproies restantes ont été relâchées à la confluence Vienne-Loire. Seules 9 lamproies marquées par pit-tag ont été détectées dans les passes à poissons du bassin de la Vienne (1,8%). Une avait été marquée à Nantes, les autres relâchées à la confluence Vienne-Loire.
Ces résultats suggèrent une perte en ligne significative qui peut être expliquée par plusieurs hypothèses : dispersion des géniteurs sur d’autres affluents, reproduction en aval des stations de comptage, prédation par le silure, difficultés de franchissement des ouvrages de Descartes et Châtellerault, ou conséquences du marquage (mortalité, rejet de la marque).
L’étude se poursuit en 2021
Les informations révélées par cette étude sont essentielles pour mieux comprendre le devenir des lamproies marines, mais de nombreuses questions restent à résoudre. La suite de l’étude devrait permettre de compléter ces informations par une autre année de migration, avec cette fois la connaissance du taux d’exploitation de la pêcherie estuarienne aux filets maillants (appelés “tramail”). L’analyse en cours du second volet de l’étude – le suivi acoustique par le MNHN – nous éclaira sur leur parcours individuel. Il sera lui aussi poursuivi en 2021.
L’enjeu de cette étude dépasse le bassin de la Loire car la part de marché des pêcheurs ligériens est estimée à plus de 90% du total français. La lamproie marine a quasiment disparu des stations de comptage de plusieurs autres bassins comme la Gironde et le Rhône.
Bibliographie
Le Peru Y., Belhamiti N. & Charrier F. – 2020 ; Etude de la migration de reproduction des lamproies marines sur la Loire 2020-2021 : Synthèse du volet RFID pour la saison de migration 2020 ; FISH PASS